Journal de Karl Kessler

Faire circuler ne servira à rien. Enfin, pas pour bien longtemps. N'importe quel éclaireur pourrait leur dire que la moitié de la ville est partie en cendres et que prendre le reste ne serait pas trop compliqué. S'ils voulaient empêcher ces batards de leur en faire voir, il fallait tuer le mal dans l'oeuf. Le fait qu'ils aient des contacts faciliterait grandement la tâche. Une fois rendu là-bas, il aura amplement le temps de trouver un moyen de les clouer au camp. Depuis le temps, il arrivait toujours à trouver un moyen de se sortir des impasses et de ces situations impossibles. Il ricana un peu en entendant Trump parler de son propre salaire.

-Ouais... Comment nous tenir par les couilles en se servant de la situation pour faire pitié. Pour tout vous dire, je l'aurait fait pour moitié moins après avoir vu le bordel qu'il y a ici, alors pour ce qui est des repas et d'une couette... Le sable est devenu plus confortable à mes yeux avec le temps dirons-nous.

Une fois de plus, son regard vagabonda jusqu'à cette Cassie. Il se rappela que Trump lui dit qu'il était inutile penser lui être utile s'il ne savait pas se servir de magie. Faisait-il allusion à l'étude des fluides qu'aurait pu laisser cette chose? Dans ce cas, il était fort probable qu'elle aussi était magicienne. Raison de plus pour aller faire les agents double hors de la ville. Le fait qu'elle sache que Karl était un mutant n'était pas bien dangereux en soi. Beaucoup de gens en avaient. Par contre, ce qui était plus dangereux, c'était que d'autres groupements en aient vent. Une mutation entraînant une longévité et des effets tels que les siens pourrait éveiller les convoitises. Pour une personne qui convoite le pouvoir, c'était là une opportunité en or. Une opportunité que Karl était bien décidé à ne pas les laisser la saisir. Se rendant compte qu'il divaguait toujours les yeux posés sur elle, il secoua la tête en détournant le regard. Se retournant pour faire face à Trump, Karl sortit les lunettes de soleil de tout à l'heure pour les enfiler.

-Filons à l'abbatoir alors... Les Skulls attendront pas toute la journée...

Il sourit un peu sous son cache-nez.

*John Lianago hein? Ça risque pas d'être facile de le trouver comme ça dans le camp entier si je dois éviter à tout prix de parler de lui là-bas. Je sais où commencer au moins si je veut le trouver...*

Karl baissa vite la tête quand elle regarda dans sa direction. Il ne voyait pas trop pourquoi il avait fait ça, les lunettes de soleil. Plutôt utiles en un sens mine de rien. Enfin, il fallait redevenir sérieux. Il retira les lunettes pour les remettre dans l'une de ses poches. Ils lui demandent d'aller là-bas dire que les défenses des Sables tiennont bon et tout ça, mais il avait un autre plan en tête. Un moyen peut-être un peu plus expéditif. Il n'a jamais vraiment eu tellement de talent comme négociateur de toutes façons. Mieux valait se rendre là d'abord et entrer sans se faire trouer la peau. Le genre à préférer laisser son M1 parler pour lui. Il n'avait plus grand chose à faire ici en tout cas. Mieux valait se mettre en route alors. Il n'a jamais vraiment été très pressé dans ses voyages, mais c'est surtout parce qu'il n'avait pas vraiment de destination en particulier avant. Mieux valait presser un peu le pas cette fois. Il aurait bien pu demander à Artuk de le déposer pas trop loin, mais il ne voulait pas prendre le risque de se faire repérer par une patrouille des Skulls alors qu'ils se rendent là-bas. De quoi faire éclater sa couverture avant même de s'y rendre.

Le voyage avait été plutôt long, mais rien de trop insupportable comme conditions. Avant même d'être planté dans ce désert, il avait déjà vu tous les bourbiers du monde. Non, le pire du voyage, c'était certainement ce qu'il voyait en se moment. Il serra les dents en regardant au sol. Bien sûr, il en avait vu des choses horribles, plus qu'un être humain devrait en voir dans sa vie en fait. Par contre, cela semblait toujours encore l'atteindre quand il s'agissait d'une femme ou d'un enfant. On dirait que dans ces cas-là, même la plus épaisses des carapaces psychologiques qu'il pourrait tenter de mettre en place ne suffirait pas complètement. Il savait que ce n'était pas très professionel, mais il ferait payer ces enfoirés de Skulls. C'était une chose de tuer quelqu'un, mais c'en était une autre que de l'humilier et la laisser pourrir comme ça au milieu du désert. Il prit une grande respiration afin de se donner courage avant de faire ce qu'il allait faire. Après avoir regardé autour, il s'approcha afin de décrocher le corps et le déposer au sol. C'était tout de même étonant que les animaux ne se soient pas attaqués à la carcasse. En tout cas, les Skulls eux ne l'avaient pas manquée.

Il savait que ça lui ferait perdre pas mal de temps, mais il ne pourrait pas la laisser comme ça non plus. Il pourrait toujours creuser une tombe plus tard, mais pour le moment, il aurait autre chose à faire. Dégainant son pistolet, il approcha des ruines pour se mettre à les fouiller somairement. Peu de chances qu'il reste quoi que ce soit, mais sait-on jamais. Cela ne lui prendrait pas trop de temps de toutes façons. Il pourrait aller creuser une tombe pour la morte un peu plus loin tout juste après pour finalement continuer son chemin jusqu'au camp des Skulls. Imperceptiblement, sa poigne se resserrait de plus en plus sur la crosse du pistolet. Une certaine colère montait en lui alors qu'il pensait à ces pillards et ces choses immondes qu'ils font. Tuer n'est tout simplement pas assez pour certains de toute évidence. Il ne valait mieux pas que l'un d'entre eux soit dans les parages en tout cas...

Karl eut un mouvement de recul quand il se rendit compte que la femme était toujours vivante. C'était un soulagement de savoir qu'elle n'avait toujours pas trépassé, mais c'est qu'elle était dans un de ces sales états. Il fut si surprit qu'il ne comprit pas ce qu'elle dit la première fois. Il eut préféré ne pas comprendre quand il s'approcha pour mieux entendre. Pas encore? Pas encore quoi? Il ne comprenait pas à quoi elle voulait en venir à ce moment-là. Peut-être qu'elle le prenait pour un Skulls. Dans son état, il ne serait pas étonant qu'elle ne puisse pas voir grand chose non plus. Karl adopta envers elle une voix douce et avenante malgré l'état critique dans lequel elle était. Une touche d'espoir faisait souvent des merveilles.

-Ne vous en faites pas, c'est terminé. Je vais vous sortir de là...

Alors qu'il allait tenter de la délier, une autre voix le fit sursauter en dégainant son pistolet. Un homme cette fois, et il n'avait pas l'air amical. Il le passa vite en revue sans baisser son arme. Une lance et un autre objet qu'il tenait dans sa main gauche. Un pistolet ou un couteau peut-être, difficile d'en être certain. Difficile de croire qu'il pourrait s'agir d'un magicien. Le déclic se fit dans sa tête quand il se mit à le traiter de sauveur. Il pouvait presque sentir son sang bouillir en voyant la scène. Le "Pas encore" était trop révélateur. Il ne l'avait pas mise là comme un avertissemnet, du moins, pas comme utilité principale. Ce n'était là qu'un jouet sur lequel il passait ses petits plaisirs sadiques. Les yeux de Karl, la seule chose visible de son visage, sondaient jusque dans l'âme de son interlocuteur avec une colère sans bornes. La dernière fois qu'il avait été mit dans un tel état, c'était quand il avait apprit de ses frères d'armes ce qu'il se passait dans les camps d'extermination nazis. Lui laisser la vie sauve? À son âge, une année de plus ou de moins importait peu.

-Me laisser la vie sauve? Écoute-toi bien parler un peu. C'est moi qui a le flingue en ce moment imbécile. Donne-MOI une bonne raison pour ne pas t'abbatre comme un chien, mis à part pour te défoncer la tête à coups de poings...

Resserrant sa poigne sur son arme, Karl parlait tout en visant bien sa tête. Un quart de seconde, elle pensa à la femme toujours attachée. Il avait la brûlante envie de lui faire regretter d'être jamais sortit du ventre de sa mère, mais il ne pouvait pas non plus se montrer insouciant. Il n'excluait pas la possibilité qu'il y ait d'autres éléments hostiles à l'intérieur de ce bâtiment. S'il en viendrait à tirer cet homme, il ferait mieux de vite se déplacer, à la fois pour éviter d'être une cible facile, mais aussi pour éviter qu'elle ne soit touchée par une balle qui lui était destinée à lui. Il avait probablement une deuxième arme, un pistolet probablement. Par contre, la position de Karl, le fait qu'il le visait déjà et que lui tenait la sienne à deux mains lui donnerait clairement l'avantage s'il tenterait d'ouvrir le feu sur lui. La distance entre lui et cet homme était aussi encore un peu trop grande pour que cette lance lui soit vraiment utile. En fait, il parlait beaucoup, mais il n'était pas grand chose. Enfin, c'était si cette lance qu'il tenait n'aurait pas un quelconque mécanisme. Il devrait penser à éviter qu'il ne fasse que pointer ce truc en sa direction, juste au cas où...

-Écoute-moi, enfoiré de psychopathe, j'ai pas l'intention de laisser du matos ici, si ce n'est une balle... À toi de choisir: soit tu me laisse partir avec elle sans faire d'histoires, soit je te fais frire la cervelle. Je suis pas un sauveur, alors pense pas que je vais hésiter, bien au contraire.

*Oh, faites qu'il m'attaque...*

-Si tu savais ce que j'ai fait et ce que j'ai vu, tu saurais pourquoi je dis que je suis pas un sauveur. Dommage que les jeunes dans ton genre n'ont aucune idée du véritable monde dans lequel vous tentez d'accéder... Si au moins vous saviez...

Karl soupira longuement. Il ne comprenait rien à ce qu'il faisait. Il ne savait pas trop à qui il avait affaire non plus. S'il avait une chance de le désarmer, c'était plus à cause du danger qu'il représentait pour la femme plutôt que lui. Avec le nombre de fois où il avait été touché par une explosion et a survécu... Par contre, c'était malheureusement assez pour qu'il décide d'octempérer. Sa main serrait l'arme de plus en plus fort, mais se mettait à présent à trembler. Sa respiration se faisait de plus en plus forte alors que sa colère devenait de plus en plus intense. Il regarda la femme. C'était à peine si elle était encore consciente. Un malade dans son genre était très bien capable de planter des explosifs près d'elle afin de s'en servir comme appat. Il baissa la tête en pressant le long du canon contre son front, serrant les dents de toutes ses forces. Il jeta l'arme dans le sable un peu plus loin. En relevant la tête, l'ombre causée par sa position rendit visible un léger luisement de ses yeux l'espace d'un moment. S'il voulait lui laisser quelque chose en ce moment, c'était bien une balle. Par contre, même s'il détestait se l'avouer, c'était lui qui avait l'avantage. S'il voulait faire quoi que ce soit, il devait lui faire lâcher le détonateur. Il devait également bien faire les choses, car il n'était effectivement pas seul à en juger par le deuxième rire.

-Tu sais, c'est plutôt pathétique... Te servir d'un appat comme ça. Typique des Skulls... Ils se croient forts, mais ce ne sont que des psychopathes sans colonne. À quel point je te fais te chier dessus pour te servir de ça pour que je parte et laisse mes affaires ici sans faire d'histoires? Fiston, rend-moi donc service et tue-moi de cette lance pour éviter d'avoir à poser les yeux plus lontemps sur cette misérable excuse pour un être humain que tu fais! Après tout, me faire exploser endommagerait bien mon équipement... J'ai pas envie de vivre avec l'humilation de m'être fait entuber par une telle larve.

Joignant le geste à la parole, il mit un genou à terre et ouvrit les bras comme pour lui dire de planter son arme dans son torse. Il ignorait si l'insulter était vraiment une si bonne idée, mais s'il savait quelque chose, c'était bien que la colère force les gens à faire des erreurs. Le forcer à diriger toute sa colère sur lui le mènerait probablement à le faire l'attaquer de sa lance et oublier son otage. À ce moment, il pourrait retourner la situation à l'aide de son couteau de combat. Sa priorité resterait tout de même sa main qui tenait le détonateur, même s'il doute qu'il s'en servirait alors qu'il serait si près d'elle.

Toujours un genou à terre, il regardait au sol. Il dû croire que c'était en signe de résignation. Ses épaules se mirent à bouger quelque peu. Non... Il n'allait tout de même même pas chialer? Et non... En relevant la tête, il se mit à rire, rire très fort même. Il s'époumonait face à la tournure des choses. Il se releva pour regarder l'homme à la lance droit dans les yeux. Ses yeux avaient totalement changé. On aurait dit un air de sadisme malsain. Des yeux qui anticipaient le massacre et le sang. Ils l'avaient fait. Plus aucun retour en arrière. Des gens allaient mourir ici et maintenant. Soit lui et la femme, soit les deux autres. Il devait avouer que c'était redevenu quelque peu ennivrant. Ça lui revenait malgré lui. Il avait beau oublié presque tout de ses années de service comme soldat quasi esclave, mais son corps en était toujours imprégné comme une marque invisible et indélébile. Il continuait de parler, soulignant ses paroles d'un rire sadique et carrément malade.

-Très intelligent de ta part je dois l'avouer. Te servir d'elle comme appat et faire croire que tu la ferait sauter si jamais les gens refusaient de te laisser leurs choses. Je dois avouer que je me suis fait prendre au jeu. Que veux-tu, je suis un gentleman...

Il avait mit une emphase particulière sur le mot "gentleman". La présence de cet autre imbécile dans le sable éloignait totalement l'hypothèse de la présence de tout objet explosif dans les parages. L'onde de choc sous le sable l'aurait très certainement tué. Cela le fit rire encore plus. Maintenant, la dernière chose qui aurait pu peut-être lui sauver la vie n'était plus qu'un leurre auquel il ne pourrait plus recourrir. Intelligent, mais à la fois si stupide.

-Un elfe? Moi!? Noooon... Je ne suis pas du tout un elfe. Mais toi, qu'est-ce que tu es hein? Un chien? Un petit garçon? Un homme? Un monstre?! Et si on ouvrait Petit Garçon, hein? Voir de quoi est fait Petit Garçon, HEIN!?

L'orc arrivait sur lui. Karl avait envie de tester ces armes de fortune de tout son être. Lui aussi semblait anticiper quelque chose, mais ce devait être tout autre. Dégainant son couteau de combat et le prenant à l'enver de sa main gauche, il attendait son adversaire. Son premier coup irait en direction de ses mains, en direction de ses doigts. Il pourrait peut-être les trancher, mais il s'en fichait un peu. Ce qu'il viserait par la suite de son couteau, ce serait principalement le torse et la tête de son adversaire, qui offraient des cibles plus aisées et se servirait de sa main libre pour d'abord écarter sa main gauche puis tenter de le prendre à la gorge pour le jeter au sol. Le jeter sur la pointe de métal qui servait à attacher la femme si possible. Il riait, il jubilait même tout en se battant, et cela même s'il recevrait des blessures. Peut-être même riait-il un peu plus en recevant des blessures.

-Tiens, si tu voulais TELLEMENT te faire pénétrer par un gros tuyau!!!

Cet immonde nabot s'était montré un peu plus corriace qu'il ne l'aurait cru. Ça rendait les choses plus intéressantes en somme. Karl regarda ses propres plaies, riant, amusé de ce qui se passait. Le sang coulait de son avant-bras, son adversaire aussi était blessé. Le choc qu'il reçut dans le dos l'avait un peu ramené à la réalité. Voyant l'autre arriver du coin de l'oeil, il lança son couteau sur lui d'un geste rapide. De son autre main, il agrippa la crosse de son M1, s'en servant pour se protéger des lames de l'autre. Il se saisit de son arme à feu pour donner un solide coup de crosse au ventre du demi-orc. Il enleva la bandouillère pour être plus à l'aise avec. L'arme était trop longue pour lui permettre de tirer avec d'aussi près. Il avait bien une baillonette, mais elle n'était pas fixée à l'arme en ce moment. Par contre, s'il pourrait avoir une chance de tirer, il ne la laisserait pas passer. D'un autre côté, l'autre était à bonne distance Il balle vite placée pourrait l'aider à en faire un travail rapide. Après tout, il s'était lui-même à moitié tué en perdant ainsi sa lance. Un bon coup de pied sur le demi-orc afin de le faire reculer, puis un tir ou deux en direction du plus grand. Il n'avait pas nécessairement envie de le tuer tout de suite, lui évitant ainsi toutes souffrances, mais il ferait mieux d'éviter à avoir à se battre en deux directions simultanées. Cette arme avait au moins l'avantage de ne pas avoir d'évacuer les cartouches manuellement après avoir tiré. Il faut aussi dire que ça en faisait, même au corps à corps, une arme plus appropriée qu'un couteau contre un adversaire utilisant des armes telles que des griffes.

Deux coups de feu, puis plus rien. Le calme et le silence étaient revenus sur ce désert oublié des dieux. Un silence de mort que seul le bruit de la carabine de Karl tombant dans le sable perça. En voyant l'expression qu'avait à présent la femme, c'est-à-dire le regard vide fixant le sol, il se précipita à sa rencontre à la recherche d'une pulsation. Ne sentant pas son poul, la situation était critique, mais pas nécessairement totalement perdue. Il arrivait parfois que le poul soit si faible que l'on arrivait plus à le sentir, mais que la personne pouvait toujours être sauvée. C'était ce que Karl tentait sans relâche de se répéter pour s'en persuader. Il détacha la femme afin de l'allonger sur le sable. Chaque seconde comptait en ce moment s'il comptait lui sauver la vie.

Certes, bien qu'il était loin d'être un expert en soins ou en médecine, Karl savait tout de même prodiguer des soins d'urgence. C'est en usant du meilleur de ses connaissances qu'il tenta de la ranimer. Massage cardiaque, respiration artificielle, sans se soucier à quoi avait dû servir sa bouche avant de se retrouver là, il n'avait besoin que d'une seule respiration, que d'une seule pulsation cardiaque. Cet acte tenait davantage du désespoir qu'autre chose. Comment pourrait-il se dire aider les Sables quand il ne pourrait pas aider une seule femme. Pas une fois depuis il avait vraiment fait attention à sa blessure. Il fallait avouer que d'une part, il guérissait très vite et que d'une autre, l'état de celle qui était allongée sur le sable était infiniment plus pressant.

-Aller bon sang respire! Tu ne vas pas me faire ce coup!

Toujours recueillit auprès du corps sans vie, il savait déjà qu'elle était finie, mais il n'était pas du genre à abandoner sans avoir essayé, on pouvait au moins lui accorder cela. Voilà qu'encore, les autres autour de lui mourraient alors que lui avait la vie sauve. Cette rage se remit à poindre à l'intérieur de lui. Il serra les poings si fort qu'il en fit craquer ses jointures. Sa haine se tourna directement sur la cause de tout cela, mais il avait été interrompu dans ses plans par les aboiements lointains. Sans perdre de temps, il alla chercher son pistolet, puis marcha jusqu'au corps inerte de l'humain pour remuer et retourner un peu sa lame tout en la sortant de là afin de faire les plus sales dégâts en l'arrachant.

Il rangea son pistolet dans son étui et prit son M1 avec lui. Il tira un coup dans les airs afin d'effrayer ces chiens, loups, coyotes, rachnards ou quoi que ce soit qui aurait l'idée de tenter venir se servir ici. Dans le cas contraire, se battre contre une meute entière ne serait pas la meilleure des solutions. Sa vie ne valait pas un cadavre, aussi horrible sa mort aurait pu être. Il battrait en retraite, certain qu'ils seraient plus portés à le laisser tranquille pour se concentrer sur les carcasses pour faire attention à lui.

Maintenant qu'il était enfin hors de danger, il se regarda un moment. Ses mains tremblaient, mais pas à cause de la peur, du froid ni rien d'autre. C'était de l'excitation. Il ne comprenait pas ce qui était en train de lui arriver. Il ne pouvait se le nier, il avait aimé sceller le sort de ces deux hommes, et se serait même amusé à mutiler les corps s'il n'avait pas été interrompu. Après tout ce temps, ses instincts étaient-ils en train de reprendre le dessus? Si c'était le cas, il risquait de devenir un monstre semblable aux deux autres qu'il venait de tuer. Et s'il faisait du mal à des gens qu'il voulait en fait défendre? Voilà un peu trop de pensées en "et si" à son goût. Valait mieux rester dans le concret.

Ses blessures elles étaient très concrètes tiens. Maintenant qu'il pouvait bénéficier d'un peu de calme, il pouvait enfin s'en occuper et mettre des bandages. Heureusement pour lui qu'il guérissait plus vite que la moyenne. Il devrait être relativement correct au moment d'arriver au campement, mais on ne pouvait pas dire la même chose de la manche de son treillis. Elle avait été toute déchirée à cause de l'arme de fortune de ce demi-orc. Pas le choix, il eut à arracher les manches de son treillis. Il n'avait ni les compétences, ni l'équipement qu'il fallait pour réparer ça. Il n'avait vraiment pas une tête de couturier ou quoique ce soit du ganre après tout.

Il contempla l'espace d'un moment le tatouage de son ancienne unité aéroportée sur son épaule droite. Il faut dire qu'il avait fait partie de nombreuses unités différentes. Certaines lui avaient étées plus chères à ses yeux que d'autres, et de toutes, les Blazing Angels se classaient au sommet. Les horreurs du Blitz resteront à jamais gravées dans sa mémoire, peu importe les années, mais la solidarité des habitants aussi. Il était presque serein à nouveau suite à ce qui venait de se passer. Il reprit maintenant la marche en direction du camp des Skullz pour en faire les derniers miles. Il gardait son fusil à portée au cas où s'il tombe sur une patrouille. Mieux valait ne pas avoir l'air savoir se défendre avec eux...

Le soleil avait vraiment frappé très fort sur la tête du vétéran. Voilà qu'un gosse s'amusait à cache-cache avec lui en lui parlant de sa cachette. Même s'il ne s'agissait là que d'un jeune, il restait tout de même sur ses gardes, observant aux alentours, écoutant attentivement. Le désert était un endroit un peu trop dangereux pour s'amuser à suivre les passants. Karl avait apprit à ses dépends que les enfants, malgré leur innocence apparente, peuvent se montrer très dangereux. Plus dangereux encore que les adultes en fait. On baisse notre garde, puis l'instant d'après, on se retrouve avec un énorme couteau dans le bide ou encore un pétoir pointé sur soi.

-Petit, jouer à la cachette n'est pas très bon pour la santé par ici. Et si jamais j'étais un pillard hein? Un militaire débile? Tu devrais rentrer chez toi.

Le militaire était quelque peu impressioné en fait. Rares étaient ceux qui parvenaient à le prendre par surprise. En tant que tireur d'élite, il avait le sens de l'observation plutôt aiguisé. Pourtant, il ne s'est rendu compte de sa présence que quand il s'était mis à rire. Alors là, soit il ne faisait que s'amuser à des jeux dangereux, soit il était en danger et le jeune était armé. Dans les deux cas, il continuait de le chercher des yeux pour le trouver. Peut-être se sentait-il en confiance à cause du treillis qu'il portait? Un soldat pouvant l'aider un peu, ou un trophé à ramener aux Skullz pour avoir un peu de notoriété déjà. Il devait se trouver à présent dans leur territoire après tout...

"Erf. Tu peux jamais la fermer toi..."

Cette fois , c'était la voix d'un homme. Difficile de déterminer son âge. Ce n'était pas un enfant. Il était lui aussi impossible à distinguer dans les environs. Pourtant les voix semblaient plutôt proche. Le mystère se leva rapidement. l'homme et l'enfant n'étaient pas des as du camouflage qui avaient trompé les sens avertis de Karl mais tout autre chose.

Sous ses yeux , l'ex soldat anglais vit apparaitre deux silhouettes floues. L'une plus petite que l'autre. Alors qu'il croyait avoir la berlue , l'image s'intensifia en netteté jusqu'à ce qu'un homme brun à l'air ténébreux et un enfant rouquin à l'air malicieux , le visage couvert de tâche de rousseur , apparurent devant lui. Karl n'avait jamais vu ça.

"Haha ! Il s'attendait pas à ça , ce débile ! "

L'homme le gratifia d'un taquet éducatif sur l'occiput. Pas méchant mais suffisamment vexant pour remettre le gamin en place.

"Désolé que mon apprenti soit aussi petite teigne. S'il n"était pas aussi doué , son manque de concentration l'aurait déjà perdu pour l'art... Mais ce n'est pas facile de trouver des apprentis de nos jours... Je m'égare. Tu n'es pas un pillard , ni un soldat débile d'après ta façon de parler. Qu'est-ce que tu viens faire la. Tu m'as l'air assez expérimenté pour ne pas être un voyageur perdu. Mais voyager seul me parait bien ambitieux. Ne sais tu donc pas que tu t'approches grandement du territoire des Skulls. Tous ne sont pas aussi clément que moi. Parle avant que mon apprenti ne se serve de toi comme entrainement.

Voilà qu'ils étaient deux maintenant. Un élève et son mentor semblait-il. Encore une enfance volée se disait-il. Charmant gamin en tout cas... Il approuva un peu intérieurement les mots de l'homme après cette claque, mais surtout la claque elle-même. Il était peut-être vieux jeu, mais parfois les enfants avaient besoin d'être remis à leur place avant qu'il ne soit trop tard. Peut-être son "maître" était la seule figure paternelle que ce garçon avait. Très facile de devenir une taigne dans ces conditions, mais Karl pouvait excuser une enfance un peu difficile dans son cas. Quoique, c'était un peu le cas pour tous les marmots des terres désolées. Sécurité et stabilité sont devenues des denrées rares à chérir.

-Pas de problème pour le jeune...

Voilà qu'il en venait déjà à la raison de sa venue ici. Il n'avait lui-même pas l'air d'un pillard, mais Karl pourrait très bien lui renvoyer la question. Lui annoncer ses intentions d'emblée pouvait se montrer dangereux, même s'il doutait qu'ils offraient du camouflage optique à leurs éclaireurs. Il se massa la nuque en apprenant qu'il était effectivement pile sur le territoire de ces maudits Skulls. Tant mieux, il ne se serait pas vraiment vu s'arrêter pour demander son chemin par ici. Il approchait de son but, ce qui était bien. Il eut un sourire en coin sous son cache-nez quand il lui parla d'ambition. Par contre, quelque chose clochait dans son discours. Il sonnait effectivement comme s'il défendait ce territoire. Peut-être lui-même et le jeune en étaient finalement...

-Karl... Ambitieux hein? C'est drôle, je ne me vois pas vraiment comme tel... Juste un loup solitaire qui va au gré des dunes. Je savais la direction que je prenais, et la destination vers laquelle je me rendais, merci de me confirmer que j'étais sur la bonne voie. C'est si rare de voir des gens voyager seuls par ici? Dommage pour eux, le désert forge encore mieux le caractère quand on est seul. Enfin, moi aussi je m'égare... J'ai bel et bien affaire avec les Skulls si c'est ce que tu te demande. Disons que je suis juste ici pour faire un peu de ménage dans un grand bordel...

Karl ne lâchait pas des yeux les mains de ses interlocuteurs, regardant du coin de l'oeil s'ils ne tenteraient pas quoi que ce soit d'anormal. Il ne savait pas s'ils étaient amis ou ennemis, et devait faire attention à ses faits, geste et paroles.

Karl explosa de rire en entendant le prix exhorbitant qu'il lui demandait rien que pour l'escorter là-bas. Avec un maigre cinquante dollars sur sa personne, il n'irait pas bien loin. De toutes façons, il ne comptait pas vraiment demander d'aide pour se rendre là-bas. Le seul objet de valeur qu'il avait sur lui était une vieille montre à peu près aussi antique que lui. Il la sortit pour la regarder un peu. Évidemment, elle avait une certaine valeur pour lui, et même une très grande valeur. Le soldat qu'il avait sorti du bourbier à Passhendaele la lui avait offerte pour le remercier après avoir apprit qu'il était paralysé sur tout le bas de son corps. Il comptait l'offrir à l'un de ses petits enfants, mais les choses avaient prise une tournure inattendue par la suite. Il sourit en serrant sa montre et l'ouvrit, regardant la photo qui se trouvait à l'intérieur.

-Merci pour cette offre des plus généreuses, mais je vais devoir refuser. Je suis fauché, et le seul objet de valeur que je possède ne risque pas vraiment de vous intéresser. À moins que les vieilles montres cassées ne vous intéresse... Je ne compte pas vraiment m'en déposséder. De toutes façons, le désert n'a plus vraiment de secrets pour moi depuis que le temps...

Il remit sa montre en sûreté et se préparait à tirer sa révérence quand il vit le caillou léviter sans raison aucune. Il posa les yeux sur le jeune garçon qui le fixait lui aussi et qui semblait trouver cela normal. C'était lui qui en était la cause? Le militaire ne savait pas grand chose de la magie, sinon que ça pouvait faire très mal dépendant de quel côté du lanceur on était. C'était donc pour ça qu'il était son apprenti? Lui aussi devait donc posséder des pouvoirs de ce genre, et certainement beaucoup plus puissants. Il ne pouvait vraiment pas baisser sa garde après tout. S'il ne lui avait pas pointé d'armes sur lui, c'est probablement parce qu'il n'en avait même pas besoin.

-Désolé de vous avoir fait perdre de votre temps, mais je vais devoir y aller...